Comme je suis déçue par vos paroles, moi qui suis régulièrement vos chroniques littéraires et qui apprécie sincèrement votre façon de parler des livres que vous avez aimés. Comme je suis déçue par vos préjugés sur l’autoédition, assénés sans la moindre argumentation auprès de vos téléspectateurs…
L’autoédition serait une « trahison », parce qu’elle menacerait les métiers du livre ?
Le métier d’éditeur, tout d’abord. C’est très étonnant, étant donné que les maisons d’édition croulent sous les manuscrits qu’elles n’ont pas le temps (voire l’envie) de parcourir. Étant donné qu’elles viennent elles-mêmes faire leur chasse dans le Top 20 d’Amazon et sur les autres plateformes d’autoédition numérique qui existent sur internet. Elles sont des dizaines, ces maisons, à venir dénicher des textes qui leur plaisent, et qui ont pour eux l’avantage d’avoir déjà réussi à convaincre un lectorat. C’est une évidence que l’autoédition sert l’édition classique (et facilite grandement son travail, soit dit en passant), au contraire de la menacer.
Vous parlez ensuite du métier de traducteur. J’ai du mal à saisir en quoi l’autoédition priverait de travail les traducteurs. Au contraire, si un roman autoédité est un succès, il peut être repéré par des éditeurs étrangers, qui vont alors rémunérer un traducteur pour en assurer la traduction. Il semble donc que l’autoédition puisse plutôt fournir, parfois, du travail à des traducteur plutôt que de les en priver.
Parlons ensuite du métier de correcteur. Non seulement un certain nombre d’auteurs indépendants embauchent un correcteur professionnel avant de publier leur manuscrit, mais en plus, si ce n’est pas le cas, ça ne retire en rien le pain de la bouche de correcteurs ayant l’habitude de travailler pour des maisons d’édition, puisque s’il n’avaient pas été autoédités, ces romans seraient simplement restés au fond d’un tiroir !
Et enfin, l’autoédition serait un danger pour les libraires. J’ai beau chercher, je ne vois pas en quoi. À moins que l’on confonde l’autoédition avec le livre numérique et qu’en réalité, le débat dont vous parliez ne soit celui de « Le livre numérique menace le métier de libraire ». Je n’entrerai pas dans ce débat, hormis pour dire qu’il n’a absolument RIEN à voir avec l’autoédition. Vous aurez en effet remarqué que les livres numériques ne sont pas uniquement des livres autoédités, mais que tous les livres publiés à l’heure actuelle sont à la fois mis à la vente en librairie en format « papier » et en format numérique sur les plateformes d’ebooks (Kobo, Fnac, Amazon, etc). L’autoédition ne menace en rien les libraires, monsieur Trapenard.
Vous dites que le rôle du Salon, « c’est de défendre les métiers du livre ». Je suis peut-être naïve, mais je pensais qu’il avait aussi, et surtout, pour rôle de défendre le métier de l’auteur. Celui qui écrit des bestsellers à n’en plus finir, mais aussi celui qui n’a plus envie d’envoyer en vain des manuscrits par la Poste, manuscrits qui ne seront probablement jamais lus. Celui qui a envie de trouver, de convaincre, et de séduire ses lecteurs par lui-même. Celui qui a encore le courage de rêver après avoir reçu des lettres de refus qui tiennent en deux lignes impersonnelles. Celui qui n’a peut-être pas la sacro-sainte légitimité d’un grand éditeur parisien, mais qui ne voit pas en quoi la légitimité donnée par les lecteurs serait de moins grande valeur. Celui qui va peut-être faire travailler un correcteur, puis un graphiste pour la création de sa couverture, puis un imprimeur pour son livre papier autoédité.
Les auteurs indépendants ont le droit de rêver, monsieur Trapenard. Nous ne volons le travail de personne, bien au contraire. La seule entreprise qui pourrait éventuellement perdre de l’argent à cause de nous, ce serait La Poste. Parce que oui, quand on pense à tous ces manuscrits qui ne sont plus envoyés en vain aux maisons d’édition, on peut peut-être se dire que La Poste court à la faillite.
Nous ne volons le travail de personne, et de la même façon, l’histoire a prouvé que la musique indépendante, le cinéma indépendant ne volaient le travail de personne, et au contraire permettaient de faire bouger les lignes au profit des artistes.
Il serait peut-être temps qu’au lieu d’accuser l’autoédition de tous les maux, on se mette à défendre l’ensemble des auteurs qui triment tous et qui permettent à des centaines de métiers de, justement, exister. Qui des éditeurs, des correcteurs, des traducteurs, et des libraires pourrait vivre de son métier si les auteurs n’étaient plus là ?
Monsieur Trapenard, je vous estime beaucoup même si je me sens personnellement blessée par vos paroles lancées à la va-vite au Grand Journal. J’ai bon espoir que vous creusiez le sujet et que vous preniez conscience que l’autoédition, loin d’être une « trahison » ou une « catastrophe », a le pouvoir, voire le devoir, de devenir une vraie révolution pour les auteurs.
Bien à vous,
Amélie ANTOINE »
Un grand bravo à Amélie qui a parfaitement résumé ce que je pense et la façon dont je vois les choses. On peut avoir des avis différents sur la question de l’autoédition et je vous invite à donner votre opinion en commentaires. Mais de là à dire que c’est une « catastrophe« et une « trahison« , c’en est trop. Surtout qu’il n’y a aucune argumentation construite ici. Encore quelqu’un qui parle d’un sujet dont il ignore tout…
Pour finir sur une note optimiste, je vous invite à découvrir le livre qui a fait connaître Amélie Antoine sur Amazon. Fidèle au poste. Un ebook dont je vais commencer la lecture 😀